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Le mot du directeur – février 2021

Guy Rodgers with Peter McFarlane, and Ian Ferrier at ELAN's 2004 Quebec Arts Summit

Photographie : Monique Dykstra

Guy Rodgers avec Peter McFarlane et Ian Ferrier au Sommet des Arts du Québec 2004 d’ELAN

Nous traversons en ce moment des temps incertains, des territoires inexplorés. Notre vie quotidienne est perturbée depuis des mois, et nous approchons maintenant de la deuxième année de cette pandémie, sans aucune porte de sortie en vue. Un choc d’une telle ampleur nous oblige à faire face aux déficiences cachées de notre écosystème culturel, qui existaient pourtant bien avant que la Covid-19 ne les mette à jour. Cette crise majeure est l’occasion de repenser et de reconstruire notre système artistique et culturel devenu désuet. Cela représente à la fois un défi de taille et un projet passionnant. Une partie de moi regrette de quitter ELAN le mois prochain, mais une autre sait qu’il vaut mieux confier la préparation de l’avenir à ceux qui y passeront la majeure partie de leur vie.

 

Mon dernier projet avec ELAN porte sur les thèmes de l’identité, de l’appartenance et de la mémoire. Nous avons créé des groupes de discussion (en suivant scrupuleusement les consignes de santé et de sécurité) et filmé les conversations entre les participants. Ces groupes de discussion sont formés en fonction des différentes vagues d’immigration qui ont eu lieu au Québec. Les participants du premier groupe, filmés en décembre, provenaient de familles arrivées au Québec avant 1945 (l’histoire de certaines remontait au début des années 1800, notamment des Écossais qui cultivaient les terres d’une région qui est aujourd’hui devenue le quartier NDG). Dans le cas des participants du deuxième groupe, arrivés entre 1945 et 1970, neuf sur dix d’entre eux étaient issus de familles « allophones ». Comment ont-ils fini par faire partie de la communauté anglophone ? Vous l’apprendrez au mois de mars, quand nous diffuserons les vidéos. Les quatre prochains groupes réuniront des gens issus de familles d’immigration plus récente, arrivés dans une société en pleine évolution. Ils ont tous laissé leur marque sur leur pays d’adoption et contribué à bâtir le Québec moderne, et pourtant, certains d’entre eux estiment que leurs efforts n’ont pas été reconnus ou ont l’impression qu’ils n’ont pas entièrement leur place ici.

 

L’automne dernier a marqué le 50e anniversaire de la crise d’Octobre, alors que nous étions en train de sélectionner des participants pour les deux premiers groupes de discussion. Les gens de mon âge, ou plus âgés, se souviennent très bien des bouleversements sociaux qui ont mené à  Octobre 1970, puis au référendum enivrant de 1980, et enfin au coup dur de 1995. Il est presque impossible d’imaginer aujourd’hui le Québec dans lequel sont nés les gens de ma génération et ceux de la précédente. Bien que certains d’entre nous soient restés au Québec et se soient adaptés aux changements sociaux qui se sont produits, des centaines de milliers de Québécois anglophones sont partis. Après avoir passé toute ma vie d’adulte à essayer de comprendre cet endroit fou et complexe que nous appelons « chez nous », je suis honoré de pouvoir récolter toutes ces histoires signifiantes, qu’elles soient anciennes ou récentes, et de les partager dans le cadre de mon dernier projet avec ELAN. Je ne peux certainement pas prédire l’avenir, mais regarder d’un œil lucide le passé et le présent constitue certainement une bonne base sur laquelle échafauder des plans.

 

Guy Rodgers

Directeur exécutif

 

Rural Sherbrooke West

Aperçu de la région rurale de Sherbrooke Ouest dans les années 1800